« Je ne connais qu’une manière de voyager plus agréable que d’aller à cheval, c’est d’aller à pied. On part à son moment, on s’arrête à sa volonté, on fait tant et si peu d’exercices qu’on veut. On observe tout le pays; on se détourne à droite, à gauche; on examine tout ce qui nous flatte; on s’arrête à tous les points de vue. Aperçois-je une rivière, je la côtoie; un bois touffu, je vais sous son ombre; une grotte, je la visite; une carrière, j’examine les minéraux. Partout où je me plais, j’y reste. A l’instant que je m’ennuie, je m’en vais. Je ne dépends ni des chevaux, ni du postillon. Je n’ai pas besoin de choisir des chemins tout faits, des routes commodes; je passe partout où un homme peut passer; je vois tout ce qu’un homme peut voir; et, ne dépendant que de moi-même, je jouis de toute la liberté dont un homme peut jouir. Si le mauvais temps m’arrête et que l’ennui me gagne, alors je prends des chevaux…
Combien de plaisirs différents, on rassemble par cette agréable manière de voyager! sans compter la santé qui s’affermit, l’humeur qui s’égaie. J’ai toujours vu ceux qui voyageaient dans de bonnes voitures bien douces, rêveurs, tristes, grondants ou souffrants, et les piétons toujours gais, légers et contents de tout. Combien le coeur rit quand on approche du gîte. Combien un repas grossier paraît savoureux! Avec quel plaisir on se repose à table! Quel sommeil on fait dans un mauvais lit! Quand on ne veut qu’arriver, on peut courir en chaise de poste; mais quand on veut voyager, il faut aller à pied. »
Emile ou De l’éducation (1762), V., Jean-Jacques Rousseau
Ou telle qu’on l’a transmise ou modifiée pendant des générations.
Qu’importe.
Ce qui compte, c’est ce qu’il en reste aujourd’hui, et la façon dont ces arbres ou leur souvenir nous relient à l’âme de cette région, à cette parcelle de terre que nous traversons.
Et comment ils nous relient à nous.
Aujourd’hui, je voulais partager avec vous l’une des histoires qui entourent une chapelle de la commune de Préseau, dans le Valenciennois.
Un beau dimanche, entre balade et découvertes, le hasard a voulu que je m’arrête au bord de la vieille route du Quesnoy, juste à côté de la chapelle Notre Dame Du Bon Voyage.
Apparemment, je n’étais peut-être pas la première à profiter de la vue, et du lieu …
Si l’on en croit son historiographe, Louis XIV se serait probablement arrêté au même endroit, sous un chêne séculaire. C’était en mars 1677, lors de l’occupation espagnole. Il y aurait admiré les villes qu’il venait de reconquérir : Bouchain, Cambrai, Valenciennes, Le Quesnoy, Saint-Amand-de-Condé, Tournai.
Le site culmine a presque 100 mètres et semble correspondre à cette description. On peut toutefois supposer que le roi soleil était doté d’une vue exceptionnelle …
La chapelle d’origine remonte au XVIIème siècle. Elle n’est plus, ni le chêne qui l’abritait. La chapelle qui figure sur cette photo fut construite en 1822 et c’est un honorable tilleul qui a pris depuis bien longtemps la place du vieux chêne.
Qu’importe …
Ce qui m’a parlé, au delà de la réalité historique, c’est cette idée de pause,
S’arrêter, pour mesurer ce qui a été fait, dans sa globalité.
Prenons-nous encore le temps de le faire ?
Quelle que soit la réalité, quel que soit l’arbre sous lequel on se tient,
Il est à noter que c’est sous un pommier que le Renard apparut la première fois au Petit Prince … Pourquoi un pommier ? Voilà une question qui pourrait nous mener loin, ou tout simplement au pied de cet arbre, pour le plaisir de relire ce passage ou de rencontrer le Renard … . Et, qui sait …
C’est alors qu’apparut le renard.
– Bonjour, dit le renard.
– Bonjour, répondit poliment le petit prince, qui se retourna mais ne vit rien.
– Je suis là, dit la voix, sous le pommier.
– Qui es-tu ? dit le petit prince. Tu es bien joli…
– Je suis un renard, dit le renard.
– Viens jouer avec moi, lui proposa le petit prince. Je suis tellement triste…
– Je ne puis pas jouer avec toi, dit le renard. Je ne suis pas apprivoisé.
– Ah! pardon, fit le petit prince. Mais, après réflexion, il ajouta : Qu’est-ce que signifie » apprivoiser » ?
– Tu n’es pas d’ici, dit le renard, que cherches-tu?- Je cherche des amis. dit le petit prince. Qu’est-ce que signifie » apprivoiser » ?
– C’est une chose trop oubliée, dit le renard. Ça signifie » créer des liens » …
– Créer des liens ?
– Bien sûr, dit le renard. Tu n’es encore pour moi, qu’un petit garçon tout semblable à cent mille petits garçons. Et je n’ai pas besoin de toi. Et tu n’as pas besoin de moi non plus. Je ne suis pour toi qu’un renard semblable à cent mille renards. Mais, si tu m’apprivoises, nous aurons besoin l’un de l’autre. Tu seras pour moi unique au monde. Je serai pour toi unique au monde…
– Que faut-il faire ? dit le petit prince
– Il faut être très patient, répondit le renard. Tu t’assoiras d’abord un peu loin de moi, comme ça, dans l’herbe. Je te regarderai du coin de l’oeil et tu ne diras rien. Le langage est source de malentendus. Mais, chaque jour, tu pourras t’asseoir un peu plus près… Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas l’oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé.
D’après Le Petit Prince, Antoine de saint Exupéry.
En sylvothérapie, faut il résolument attendre d’être en forêt pour remontrer l’arbre et profiter des bienfaits de la nature ?
Comment puis-je débuter en sylvothérapie si je n’en ai pas forcément le temps, tout au moins régulièrement , ou si je ne souhaite pas vivre de suite l’expérience de la forêt ?
Comment m’habituer peu à peu à l’expérience l’arbre ?
Comment l’initier ?
Sommes-nous tous prêts à déclencher cette rencontre sans un minimum de préparation ?
Si une étape transitoire est de mise, en quoi consiste – telle ?
Autant de questions qui peuvent nous traverser dès que nous songeons sérieusement à nous initier à la sylvothérapie, et auxquelles cet article va répondre partiellement par une première proposition.
L’arbre ne viendra pas à vous. Il peut vous attendre là où vous ne le cherchiez pas,
Il peut vous avoir déjà choisi,
Mais c’est à vous de vous déplacer vers lui, et/ou de changer votre regard.
Ma première vraie rencontre avec un arbre date d’il y a longtemps. Ce n’était ni en forêt, ni même dans un parc. Tout simplement, près d’une berge où je m’étais arrêtée. J’ai juste tourné la tête à ce moment -là, peut-être un peu plus longtemps, peut-être sous une autre lumière. Et j’ai été submergée d’un flot d’émotions que je n’ai pas compris. J’étais juste en train de regarder un arbre qui semblait lire en moi à coeur ouvert. Elément déclencheur, c’est cette expérience – rencontre qui a initié mon parcours en sylvothérapie.
Toute rencontre avec un arbre débute donc par un pas, puis un autre, et encore un autre.
Toute rencontre avec un arbre nécessite le fait de s’arrêter, de se poser.
Toute rencontre avec un arbre début par la nécessité de ralentir son rythme.
Qu’est- ce déjà que marcher en toute conscience ? C’est prendre la notion de son corps et de son déploiement dans l’espace, des temps d’équilibre et de rupture, des muscles en mouvements, des éventuelles tensions qui peuvent nous gêner ou se révéler, du regard qui embrasse l’horizon, du temps qui semble ralentir …
Marcher, en toute conscience, c’est ressentir l’étirement du temps et de l’espace.
Ouvrir ses sens.
On peut alors commencer à voir vraiment toutes les couleurs, toutes les formes, tous les sons et les senteurs qui s’offrent à nous.
Et les voir autrement. Avec plus d’intensité, plus d’émerveillement, sentir que cela nous parle ce rouge du coquelicot sur une bordure champêtre, sentir la délicatesse de ses pétales, le balancement duveteux de sa tige, l’éclatant rayonnement de son énergie.
C’est comme si, en ralentissant, nous nous étions ouverts à une autre dimension.
C’est comme si, dans cet espace-temps-là, on pouvait suivre le vol d’un papillon dans même le déranger, se pencher, s’approcher, presque le toucher …
Ces géants ont une vie dont on ignore tout ou presque.
Une vie dans les cimes ou sous nos pieds, faites de relations intimes, de solidarité et même d’intelligence. »
En apprenant à regarder l’arbre, on peut en apprendre sur soi et sur l’homme, car les arbres forment une petite société, avec ses groupes, ses familles, ses enfants. Une société dans laquelle les arbres « mères » nourrissent leurs propres rejetons, grâce à leurs racines.
On s’est également rendu compte que les arbres communiquaient entre eux sur de longues distances, grâce à un vaste réseau qui leur permet d’échanger des informations. Ainsi, lorsqu’un animal commence à manger des feuilles, l’arbre attaqué envoie immédiatement un signal, grâce aux racines et à un réseau de champignons. Les arbres alentours comprennent le danger et fabriquent un anti corps amer qui rend leurs propres feuilles immangeables.
L’arbre est également un être en mouvement, même si ceux-ci ne peuvent être perçus par notre échelle de temps. Ainsi, on a pu mesurer la façon dont l’arbre s’adapte aux influences extérieures, comme le vent. L’arbre est donc doté d’une vraie perception, qui correspond chez nous au sens du toucher. Le mimosa pudica en est un exemple spectaculaire.
L’arbre perçoit, analyse, calcule et s’adapte.
L’arbre aurait-il également conscience de son propre corps ? Même sans lumière, ni perception de la gravité, l’arbre pousse verticalement.
De quoi changer notre regard sur l’arbre, qu’il soit des forêts ou des villes.
Et nous amener à prendre soin de l’arbre, le respecter, le comprendre.
D’après : Le secret des arbres, Envoyé spécial, octobre 2017.
Doit-on la résumer au seul fait d’étreindre un arbre en forêt ?
La sylvothérapie est une approche de la nature, en toute conscience et humilité, mais pas que …
Au-delà de l’effet de mode, de la curiosité, des bienfaits d’une immersion en forêt, la sylvothérapie c’est aussi et avant tout un chemin pour se reconnecter aux cultures ancestrales dans lesquelles il est bon de se ressourcer.
C’est par là même un moyen de revenir à son essence profonde.
Et ce type d’approche sylvestre peut demander un certain temps, de la douceur et beaucoup de respect.
Telle est toutefois la Voie de l’Arbre.
Lorsque nous sommes amenés à cheminer vers l’arbre, c’est vers notre sagesse intérieure que nous cheminons.
L’arbre est un ami, un frère, un guérisseur de l’âme, voire un abri en ces temps troublés, mais l’arbre est aussi, au delà de tout ceci, un guide vers soi-même.
En nous révélant ce qui est enfoui au plus profond de nous, en le recevant, en l’accueillant, en le portant parfois; l’arbre éclaire nos zones d’ombres et révèle nos ressources.
La sylvothérapie, telle que je l’ai reçue, la vis et la transmets, est donc une approche consciente et respectueuse de l’être en nous, à travers l’arbre et les textes, mythes et traditions qui l’entourent.
Certes, la forêt, par sa densité, sa profondeur, se prête assez bien à cette plongée en nous-même. Toutefois, n’importe quel parc, jardin, n’importe quelle rue arborée peut vous ouvrir à ce flot d’émotions qui signe toute vraie Rencontre avec un arbre.
Nul besoin dès lors de l’étreindre, car la communication se passe sur d’autres plans, beaucoup plus subtils.